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| Bien-être des perroquets, un bilan | |
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Ésowill Membre Actif
Messages : 398 Date d'inscription : 17/09/2019 Age : 28 Localisation : Chais pas faire marcher le GPS ^^
| Sujet: Bien-être des perroquets, un bilan Dim 8 Déc 2019 - 10:40 | |
| A force de lire tout et son contraire concernant nos amis à plumes, j'ai décidé de consulter de la littérature scientifique basés sur des études approfondies et d'observations dans la nature, afin de lister les points qui sont sans doute clés pour un meilleur bien-être et une meilleure éthique animale. Je cite parfois Margaux Deman, avec laquelle je suis d'accord sur de nombreux points. Je ne fais que de la vulgarisation scientifique (comme ça si un vous n'êtes pas d'accord avec un truc, vous ne pouvez pas m'accuser ahah ^^) En vrai certains propos sont un poil extrêmes, ce serait intéressant d'avoir vos avis sur la question. Perroquets, sous ce plumage angélique se cache-t-il le diable ?
Depuis la fin du 20e siècle, on observe un engouement croissant pour les nouveaux animaux de compagnie et spécialement les perroquets. Acquis pour leur beauté ou leurs facultés d’imitation, ils apportent une touche d’exotisme à un intérieur. Mais lorsque ces seules raisons motivent l’achat, cela se fait inévitablement au détriment du bien-être du perroquet (Quemin, 2003). Leurs mœurs étant trop peu connues du grand public, leurs conditions de détention sont souvent inadéquates, à l’origine de divers comportements anormaux voire carrément gênants.
Des attitudes qui peuvent conduire à l’abandon de l’adorable compagnon à plumes après qu’il vous ait arraché le petit doigt d’une morsure soudaine, déchiré les tympans de ses hurlements incessants ou qu’il ait croqué le fauteuil en cuir de grand-mère…
Au-delà de la question « éthique », une urgence écologique justifie désormais de mieux comprendre le comportement des perroquets. Car un perroquet stable et heureux restera plus longtemps chez ses adoptants, ce qui est non négligeable à l’heure où l’ordre des Psittaciformes (les perroquets et les cacatoès) compte de nombreuses espèces invasives à travers le monde (Pârâu et al., 2016 ; White et al., 2019). Groupe charismatique, les perroquets invasifs ont leurs défenseurs, impliquant un conflit socioenvironnemental complexe dont la biodiversité est la première victime (Luna et al., 2019). Par ailleurs, améliorer les conditions de détention de ces animaux peut avoir des applications dans la conservation d’espèces menacées (pour améliorer le succès reproducteur par exemple).
Un peu d’histoire
C’est en Inde, il y a 2500 ans, qu’on retrouve les premières traces d’apprivoisement de Psittaciformes dans le Kâma-Sûtra (Gismondi, 1993). Leur introduction en Europe remonte au IVe siècle avant J.C. lorsque Onésicrite, pilote de la flotte d’Alexandre le Grand, rapporta des Perruches à collier (Psittacula krameri – révision Alexandrinus krameri, Braun et al., 2019) en Alexandrie. Symboles de richesse, ces oiseaux furent rapidement exhibés dans des cages luxueuses à travers tout l’empire Romain et Byzantin (Gismondi, 1993). Présents dans nos foyers depuis des siècles, les perroquets restent cependant des animaux sauvages aux instincts entiers. La connaissance de leur comportement dans leur milieu naturel est primordiale pour comprendre leur manière d’agir en captivité (Gismondi, 1993).
Pas si bêtes
Une série d’articles scientifiques publiés en 2019 témoignent de l’intelligence absolument remarquable des perroquets. Nelson, en novembre 2019, explique qu’Alex, Gris du Gabon (Psittacus erithacus) particulièrement loquace, était capable de choisir une réponse à une question ouverte parmi un certain nombre de mots appris, et donc qu’il fournissait aux sons une dimension conceptuelle. Ce qui renverse les idées préconçues du 20e siècle et fournit une raison de reconsidérer les capacités des perroquets (et la vie qu’on leur impose).
Quatre Conures couronnées (Eupsittula aurea) ont montré une coopération remarquable afin de récupérer une friandise en tirant simultanément sur des fils, même lorsqu’elles étaient visuellement isolées les unes des autres. (Ortiz et al., 2019). Toutefois, les restrictions imposées par l'environnement captif peuvent considérablement réduire la capacité du perroquet à exprimer un comportement naturel y compris social (Sargent & Keiper, 1967 ; Graham, 1998).
L’union fait la force
Un perroquet est programmé pour être constamment avec un compagnon. D’ailleurs, la présence du groupe pour une espèce sociable influe sur la santé, le bien-être, la longévité (Sueur & Pelé, 2018). En l’absence de congénères, l’oiseau va dépérir (Sueur & Pelé, 2018) et on observera des cris excessifs et insupportables : l’oiseau isolé craint d’être abandonné par la colonie lorsqu’elle est hors de vue et crie pour être retrouvé (André, 2007).
Un hyper-attachement au maître (seul congénère disponible) risque d’apparaître, et provoquer un affolement lorsque le partenaire humain quitte la pièce. Ce qui peut entraîner un picage (automutilation des plumes) anxiolytique pour l’oiseau (André, 2007). Dans sa thèse de 2003, Isabelle Christiane Quemin mentionne des injections de testostérone, d’antidépresseurs, d’acétate de médroxyprogestérone… pour lutter contre le stress et la frustration sexuelle alors que l’ajout d’un partenaire au perroquet doit pouvoir guérir la plupart de ces troubles.
Besoin de décodeur
Dans la nature, les attitudes corporelles et la fuite sont privilégiées à la violence pour communiquer puisqu’un oiseau aux plumes hérissées et au bec ouvert est assez impressionnant pour éloigner un rival (Armstrong, 1947). Sauf que les propriétaires ne sont pas toujours en mesure de déchiffrer ce langage et les erreurs de traduction conduisent le compagnon à plume à opter pour la violence avec son maître voire d’autres congénères (André, 2007).
Les perroquets sont d’autant plus durs à comprendre que leurs « mimiques » passent inaperçues à qui manque de vigilance. Schuppli et Fraser (2000) vont jusqu’à déclarer que les perroquets ne conviennent pas comme animaux de compagnie parce que leurs besoins ne sauraient être raisonnablement satisfaits en captivité et aussi parce que leur longévité peut dépasser celle du propriétaire.
Home sweet home
Puisque le vol sur de longues distances n’est pas primordial (on parle bien des longues distances, le vol restant crucial (Deman, 2013)) aux Psittaciformes sédentaires, les propriétaires qui hébergent leurs oiseaux dans de spacieuses volières couvrent déjà une grande partie des besoins psychiques et physiques de leurs perroquets. Seulement, l’essentiel des oiseaux captifs vivent dans des cages trop petites, ce qui peut vite devenir problématique malgré la possibilité de déambuler dans la maison quotidiennement (Quemin, 2003). Rubinstein et Lightfoot, en 2012, alertent sur les cas de picages du fait d’un logement trop étriqué.
Nombre d’auteurs précisent que la cage doit être suffisamment spacieuse pour que l’oiseau puisse étendre ses ailes et faire un tour sur lui-même sans toucher les parois (Quemin, 2003) alors que même ainsi, la cage est très largement sousdimensionnée. « Le perroquet de cage a de grands risques de développer des soucis de santé » précise la comportementaliste Margaux Deman en 2014.
Les sorties, mode d’emploi Les sorties sont indispensables aux perroquets détenus en cage. Pour sortir de la cage son perroquet sans risques, certains préconisent de l’attacher par la patte à un perchoir. Or, si le perroquet attaché tente de s’envoler, il risque de se blesser sérieusement comme le précise Isabelle Christiane Quemin dans sa thèse de 2003. Mais plutôt que de simplement déconseiller d’attacher le perroquet, la doctorante préconise de tailler les ailes, pour empêcher les tentatives vol. Cette pratique est aussi encouragée pour l’apprivoisement des perroquets « sauvages ». Sauf qu’elle réduit grandement la stabilité de l’oiseau qui n’osera plus bouger de l’épaule du propriétaire (donnant l’illusion qu’il est apprivoisé). Le sentiment d’insécurité et le mal-être éprouvés par un perroquet rémigé sont pourtant assez puissants pour parfois conduire au picage (Rubinstein & Lightfoot, 2012).
L’enrichissement
L’enrichissement d'une cage favorise l’épanouissement et conduit à des mouvements moins stéréotypés. (Deman, 2013 ; Brandoa & Buchanan-Smith 2018 ; Sueur & Pelé, 2018 ; Fangmeier et al., 2019). La mise en place d’accessoires à gruger ou de quoi se baigner semble primordiale afin que l’oiseau entretienne plumage et bec en reproduisant un comportement qu’il aurait dans son milieu naturel (Gismondi, 1993).
Offrir des périodes d’ensoleillement et respecter le cycle circadien des oiseaux améliore significativement leur bien-être. Particulièrement parce qu’ils ont besoin de 10 à 12 heures de sommeil et peuvent être aigris s’ils n’ont pas assez dormis (Quemin, 2003 ; André, 2007).
Pour conclure
Les mauvaises habitudes ont la vie dure, celles concernant la détention des perroquets ne font pas exception. Si les recommandations listées ici semblent s’adresser d’abord aux particuliers, les parcs zoologiques doivent également en tirer de précieuses leçons. Les perroquets rémigés ou vivant dans des espaces confinés sont effectivement quelques fois observés en zoo. Une règlementation plus stricte, la disparition des cages sous-dimensionnées et l’exigence de connaissances préalables lors de l’acquisition d'oiseaux de compagnie pourraient permettre d’améliorer leur bien-être, de favoriser l’apprivoisement et diminuer le nombre d’individus relâchés dans les populations férales.
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| | | Ésowill Membre Actif
Messages : 398 Date d'inscription : 17/09/2019 Age : 28 Localisation : Chais pas faire marcher le GPS ^^
| Sujet: Re: Bien-être des perroquets, un bilan Dim 8 Déc 2019 - 10:41 | |
| Références bibliographiques André J.P. (2007). Une introduction au comportement normal et pathologique des psittacidés. Académie Vétérinaire de France, Tome 160 3: 199-204. Armstrong E.A. (1947). Bird display and behaviour: An introduction to the study of bird psychology. London Lindsay Drummond Limited, 432 pages. Brandoa S. & Buchanan-Smith H.M. (2018). The 24/7 approach to promoting optimal welfare for captive wild animals. Behavioural Processes, Elsevier 156: 83-95. Braun M.P., Datzmann T., Arndt T., Reinschmidt T., Schnitker H., Bahr N., Sauer-Gürth H., Wink M. (2019). A molecular phylogeny of the genus Psittacula sensu lato (Aves: Psittaciformes: Psittacidae: Psittacula, Psittinus, Tanygnathus, †Mascarinus) with taxonomic implications. ZOOTAXA 4563 (3): 547-562. Deman M. (2013). Stimuler/occuper ses perroquets. [en ligne] < [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] > (consulté 12/2019). Deman M. (2013). La taille des ailes. [en ligne] < [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] > (consulté 12/2019). Deman M. (2014). Parlons des cages... [en ligne] < [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] > (consulté 12/2019). Fangmeier M.L., Burns A.L., Melfi V.A., Meade J. (2019). Foraging enrichment alleviates oral repetitive behaviors in captive red-tailed black cockatoos (Calyptorhynchus banksii). ZooBiology DOI: 10.1002/zoo.21520. Gismondi E. (1993). Le grand livre des perruches et perroquets. Éditions de Vecchi, Paris, 223 pages. Graham D.L. (1998). Pet birds: historical and modern perspectives on the keeper and the kept. Journal of the American Veterinary Medical Association 212 ( : 1216-1219. Luna A., Edelaar P., Shwartz A. (2019). Assessment of social perception of an invasive parakeet using a novel visual survey method. Neobiota 46: 71-89. Nelson E. (2019). What Frege asked Alex the parrot: inferentialism, number concepts, and animal cognition. Philosophical Psychology DOI: 10.1080/09515089.2019.1688777. Ortiz, S.T., Castro A.C., Balsby T.J.S., Larsen O.N. (2019). Problem-solving in a cooperative task in peach-fronted conures (Eupsittula aurea). Animal Cognition DOI: 10.1007. Pârâu L.G., Strubbe D., Mori E., Menchetti M., Ancillotto L., Van Kleunen A., White R.L. Luna A., Hernández-Brito D., Le Louarn M. et al. (2016). Rose-ringed Parakeet Psittacula krameri populations and numbers in Europe: a complete overview. The Open Ornithology Journal 9: 1-13 DOI: 10.2174/1874453201609010001. Quemin I.C. (2003). Le comportement des psittacidés et ses troubles. Thèse pour le doctorat vétérinaire, 143 pages. Rubinstein J. & Lightfoot T. (2012). Feather loss and feather destructive behavior in pet birds. Journal of Exotic Pet Medicine, Elsevier. 21 (3): 219-234. Sargent T.D. & Keiper R.R. (1967). Stereotypies in caged canaries. Animal Behaviour, Elsevier 15: 62-66. Schuppli C.A. & Fraser D. (2000). A Framework for Assessing the Suitability of Different Species as Companion Animals. Animal Welfare 2000, 9: 359-372. Sueur C. & Pelé M. (2018). Importance du milieu de vie pour le bien-être des animaux maintenus en captivité : comportement et enrichissement. Université de Strasbourg, CNRS, IPHC UMR 7178, F-67000 Strasbourg, France. White R.L., Strubbe D., Dallimer M., Davies Z., Davis A.J.S, Edelaar P., Groombridge J., Jackson H.A., Menchetti M., Mori E., et al. (2019). Assessing the ecological and societal impacts of alien parrots in Europe using a transparent and inclusive evidence-mapping scheme. NeoBiota 48: 45-69 | |
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