Yann Administrateur
Messages : 28021 Date d'inscription : 03/04/2011 Age : 52 Localisation : centre
| Sujet: le contexte de l'interdiction d'importation des psittacidés en Europe Mar 20 Mar 2012 - 21:54 | |
| Un article trés intéressant qui dresse le contexte dans lequel a été prise la décision de l'arrêt des importations. - Citation :
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L’Union européenne doit mettre fin aux importations d’oiseaux –et notamment de psittacidés- prélevés dans la nature.
Un consortium d’organisations pour la conservation de la nature et/ou des oiseaux (Defenders of Wildlife, Jane Goodall Institute, National Audubon Society, Pro Wildlife, World Parrot Trust, Greenpeace et l’IFAW, Fonds mondial pour le bien-être animal) réclament l’arrêt des importations d’oiseaux sauvages dans l’Union européenne. Novembre 2004 – Un consortium d’organisations pour la conservation de la nature et des oiseaux représentant plusieurs millions de membres en Europe et ailleurs dans le monde réclame de l’Union européenne (UE) l’arrêt immédiat et définitif des importations d’oiseaux prélevés dans la nature.
Chaque année, des centaines de milliers d’oiseaux capturés vivants en milieu naturel sont importés dans les pays de l’UE. Ces importations font courir de sérieux risques aux espèces concernées, mais elles menacent également la santé des citoyens européens ; de plus, elles nuisent à l’image de marque de l’Europe. L’UE a d’ailleurs reconnu de tels risques en imposant un moratoire sur les importations d’oiseaux sauvages au début de cette année, moratoire qui a été prolongé durant l’été. Le point de vue des associations est que ce moratoire doit être transformé en interdiction totale et définitive : l’UE se joindrait ainsi au nombre croissant de nations du monde qui ont mis fin au commerce des oiseaux sauvages, un commerce jugé hasardeux et inacceptable. L’importation d’oiseaux sauvages, et en particulier de psittacidés, est lourde de conséquences.
Le commerce des oiseaux sauvages est une menace pour les espèces : Le principal règlement international destiné à contrôler le commerce international des espèces sauvages est la « Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées », ou CITES. Depuis le début des années 1970, tous les pays européens ont agi dans le cadre de la CITES pour s’assurer que le commerce international ne mettait pas en danger les espèces d’animaux et de plantes dans la nature. En 1975, 24 espèces de psittacidés ont été incluses à l’Annexe I de la CITES, ce qui en interdit tout commerce international. Par la suite, l’augmentation des risques que faisait peser le commerce sur les psittacidés a conduit les Etats membres de la CITES à ajouter une trentaine d’autres espèces à l’Annexe I, dont six rien qu’au cours des quatre dernières années. Pourtant, des centaines d’autres espèces continuent à faire l’objet d’un commerce florissant ; et bien trop souvent, ni les contrôles de la CITES ni les règlements européens n’ont été en mesure d’enrayer le déclin de beaucoup de ces espèces. Tant la CITES que les règlements européens stipulent que les exportations d’oiseaux prélevés dans la nature ne peuvent avoir lieu que si ces transactions ne mettent pas en danger les espèces concernées ; mais les données scientifiques permettant de juger du statut de ces espèces font défaut dans la plupart des cas, et le commerce continue… Le perroquet gris du Gabon (Poicephalus senegalus) est une des espèces de psittacidés faisant l’objet d’un florissant commerce. Il est inscrit à l’Annexe II de la CITES. Entre 1998 et 2001, quelque 44.000 de ces perroquets ont été exportés chaque année, la majorité (85 à 90 %) à destination de l’UE (cf. CITES.org). A l’heure actuelle, aucune étude scientifique de terrain approfondie n’a été engagée pour déterminer le statut exact et les tendances de population de cette espèce. Pourtant, les quotas d’exportation globaux pour 2004 dépassent les 44.000 oiseaux.
Dans les rares cas où des données scientifiques sont disponibles, celles-ci sont souvent ignorées. C’est ainsi qu’une analyse récente du commerce des perroquets gris en Guinée menée pour le compte de la CITES et l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) a mis en évidence le fait que l’espèce est gravement menacée par le commerce dans ce pays (Clemmons 2003). Bien que le rapport recommandait clairement l’arrêt de toutes les exportations au départ de la Guinée, les quotas d’exportation pour ce pays n’ont pas été revus (CITES 2004). Suite à une étude scientifique poussée concernant les captures de l’amazone à front bleu (Amazona aestiva) en Argentine, un groupe de 97 experts des psittacidés de tous les coins du monde a conclu que le volume de ces captures ne pouvait en aucun cas être considéré comme soutenable (FWS 2003) ; pourtant, ni la CITES ni l’UE n’ont fait quelque chose pour mettre fin à ce commerce.
Un rapport scientifique récent sur le braconnage des psittacidés du Nouveau Monde a permis de renverser plusieurs vieux mythes concernant le commerce de ces oiseaux. Le rapport a démontré que, contrairement à une opinion ancrée de longue date, l’interdiction du commerce légal n’entraîne pas forcément une augmentation du trafic illégal qui rend le tout encore moins contrôlable. En fait, c’est souvent le contraire qui se vérifie. Le rapport a montré qu’il existe un rapport très clair entre l’existence d’un marché légal pour les perroquets et le volume du trafic illégal. Lorsque le commerce légal a été interdit aux Etats-Unis suite à l’entrée en vigueur du Wild Bird Conservation Act en 1992, le trafic illégal a pour ainsi dire disparu lui aussi.
Les résultats d’études effectuées en Amérique du Nord et ailleurs prouvent que des règles simples et claires –par exemple “aucun commerce autorisé”- représentent les outils de conservation les plus efficaces, et ce pour deux raisons. Une interdiction totale est nettement plus facile à faire appliquer par les services des douanes qu’une réglementation complexe ; lorsque cette interdiction s’étend à l’ensemble des oiseaux, elle en devient plus efficace encore, car elle rend impossible les fausses identifications d’espèces protégées souvent utilisées par les trafiquants pour importer celles-ci. En même temps, des règles claires découragent les trafiquants, qui savent qu’ils ne pourront plus faire passer un perroquet pour un autre oiseau. D’une façon plus fondamentale, interdire toute importation peut faire changer l’attitude des consommateurs et donc réduire la demande globale pour les oiseaux sauvages. Le succès de la réglementation en application aux Etats-Unis en constitue une preuve irréfutable : une législation très restrictive permet effectivement de réduire le volume du commerce des espèces sauvages et apporte des bénéfices substantiels en matière de conservation de ces espèces. L’étude menée par Wright et al. montre que la disparition du marché américain a coïncidé avec une réduction significative (de 48 à 20 %) du braconnage des nids de certaines espèces dans la nature. En ce qui concerne le marché des oiseaux sauvages, une évidence s’impose sans équivoque : la législation fonctionne étonnamment bien. La loi interdisant l’importation des oiseaux sauvages passée en 1992 aux Etats-Unis a déjà sauvé la vie de quelque 8,5 millions d’oiseaux !
Dans le passé, beaucoup croyaient que le commerce des oiseaux sauvages était de nature à soutenir la conservation de la nature, en donnant une valeur économique aux forêts naturelles et en fournissant des emplois pour les populations locales. Cet espoir ne s’est jamais réalisé au cours des trois dernières décennies : les profits résultant du commerce des oiseaux sauvages ont largement été monopolisés par les commerçants et les intermédiaires, les populations locales n’en retirant que des profits marginaux et irréguliers (Thomsen, et al. 1992, Wiedenfeld, et al, 1999, Clemmons 2003).
Etant donné que la plupart des oiseaux atteignant une valeur commerciale élevée appartient à des espèces ayant une longue durée de vie et se reproduisant lentement, il n’a jusqu’ici jamais été possible de prouver que les prélèvements dans la nature n’étaient pas susceptibles de mettre en danger ces espèces. Au contraire, la capture de perroquets sauvages peut être assimilée à des opérations de coupes à blanc des arbres, les espèces étant rapidement décimées. L’ara glauque (Ara glaucogularis), un perroquet rare vivant en Bolivie, en constitue un exemple particulièrement frappant : décrite par les scientifiques dans le courant du 20è siècle seulement, cette espèce avait été réduite à une centaine d’individus dans la nature vingt ans après sa découverte ! La population sauvage ne représente plus qu’un minime pourcentage du nombre d’oiseaux actuellement détenus en captivité, en Europe et en Amérique du Nord (cf. Snyder et al, 2000).
Dans un contexte plus global, si l’on considère que nos pratiques commerciales doivent être le reflet de nos valeurs et de nos principes en tant que citoyens du monde, il existe suffisamment de raisons plaidant en faveur de l’arrêt immédiat des importations d’oiseaux sauvages. En encourageant les prélèvements d’oiseaux dans la nature, les importations européennes mettent en péril le développement de formes d’exploitation douce de la faune sauvage comme l’écotourisme, exploitations qui se sont, elles, révélées en mesure de créer des emplois réels pour les populations locales et ont fait leurs preuves en matière de conservation. De plus, le refus de l’UE de commercialiser ses propres espèces d’oiseaux (cf. la Directive Oiseaux de l’UE) tout en continuant à encourager le commerce des oiseaux sauvages originaires d’autres pays peut être considéré comme une hypocrisie honteuse.
Le marché européen, le dernier grand marché international pour les oiseaux prélevés dans la nature, constitue une menace permanente pour la conservation des espèces concernées en encourageant la surexploitation des ressources naturelles et l’érosion de la diversité biologique dans de nombreux pays en développement. Une législation simple, claire et facilement applicable peut d’un jour à l’autre éliminer une telle menace, en mettant fin au commerce. En fait, rares sont les exemples où un changement mineur de la loi peut engendrer autant de bénéfices concrets pour de nombreux secteurs de la société, tout en modernisant et en harmonisant les politiques de l’UE avec celles de nombreux autres pays progressistes.
Le commerce des oiseaux sauvages est une menace pour la santé publique : Le transport d’espèces sauvages d’un coin à l’autre de la planète augmente sensiblement les risques sanitaires pour les populations humaines, les animaux domestiques et la faune sauvage. En dépit de l’amélioration constante des meilleures méthodes de quarantaine, de contrôle et de détection des maladies infectieuses transmises par les espèces exotiques prélevées dans la nature, l’histoire récente vient de prouver que l’introduction de germes pathogènes représente un risque sérieux et réel, tant pour la santé humaine que pour les élevages. Lorsqu’une épidémie se déclare, il s’avère extrêmement difficile et coûteux de l’enrayer et ses effets négatifs s’étendent souvent à toute l’économie. L’Europe a eu à subir deux épidémies de maladies aviaires au cours des dernières années : ces exemples suffisent à illustrer l’étendue des risques posés par le commerce international d’oiseaux prélevés dans la nature.
Grippe aviaire asiatique : L’épidémie de grippe aviaire qui sévit actuellement en Asie n’est qu’un des multiples épisodes de cette maladie virale mortelle. Des épidémies de différentes formes de grippe aviaire ont ravagé l’élevage industriel des poulets en Europe (Pays-Bas, Allemagne et Belgique en 2002) et en Amérique du Nord (Colombie britannique et plusieurs Etats américains en 2004). Ces épidémies se soldent par une interruption du commerce, la destruction de millions d’oiseaux et, dans certains cas, des morts humaines. Ces épidémies ont eu de sérieuses conséquences économiques pour les Etats membres de l’UE. L’épidémie de grippe aviaire qui s’est déclarée en 2003 aux Pays-Bas et en Belgique a nécessité la destruction de quelque 30 millions de poulets ; elle a infecté 80 personnes et tué un vétérinaire. L’épidémie de grippe aviaire de 2002 en Italie a entraîné la destruction de 16 millions d’oiseaux, pour un coût estimé de 510 millions d’Euros. Bien que les coûts économiques réels de l’actuelle épidémie en Asie doivent encore être calculés, la destruction de plus de 100 millions d’oiseaux et les graves perturbations du commerce entre l’Asie et à la fois l’UE et les USA en font la plus sérieuse épidémie de tous les temps.
Maladie de Newcastle : Une épidémie récente de la redoutable maladie de Newcastle dans l’Ouest des Etats-Unis vient de coûter plus de 175 millions de $ US aux autorités de ce pays. Bien qu’il soit dans tous les cas très difficile d’identifier la source exacte du virus, l’origine de cette épidémie est probablement liée à l’importation illégale de psittacidés en Californie du Sud au printemps 2002 : un certain nombre de ces oiseaux était porteur d’un virus identique à celui qui a ravagé les élevages de poulets et qui était probablement l’« ancêtre » de celui-ci. Les oiseaux de compagnie, et notamment les psittacidés, sont souvent impliqués dans la diffusion de la maladie de Newcastle. Le Département de l’agriculture des Etats-Unis a d’ailleurs identifié les oiseaux importés pour le commerce des animaux de compagnie comme représentant un des risques majeurs d’extension du virus : “… les oiseaux de compagnie, et principalement les amazones importés d’Amérique centrale, représentent un risque très sérieux d’introduction du virus de la maladie de Newcastle dans les élevages de poulets des Etats-Unis. Il est prouvé que des perroquets amazones porteurs du virus mais qui ne présentent pas les symptômes de la maladie sont capables de détenir le virus actif pendant plus de 400 jours.” (USDA 2003)
L’organisation internationale chargée des problèmes de santé animale et des maladies zoonotiques, l’Office International des Epizooties (OIE), partage les inquiétudes du Département de l’agriculture dans une note technique de 2004 : • Les psittacidés (perroquets) et d’autres espèces d’oiseaux sauvages sont des porteurs potentiels du virus, • Il a été prouvé que certaines espèces de psittacidés peuvent héberger le virus de manière intermittente pendant plus d’un an.
Bien que la maladie de Newcastle fasse surtout des ravages en Amérique du Nord, l’Europe n’est pas à l’abri de tout risque. Il y a quelques mois seulement, un envoi de 4000 perroquets et d’autres oiseaux sauvages importés en Italie depuis le Pakistan ont été déclarés positifs au virus de la maladie de Newcastle : la totalité des oiseaux fut immédiatement détruite ! Ce qui est plus inquiétant encore est de savoir que d’autres pays européens ayant importé des oiseaux faisant partie du même lot n’ont pas été averti de la destruction des oiseaux en Italie, pas plus que les autorités concernées de l’UE ni les services de l’OIE endéans les délais prévus par les règlements. Au regard de la virulence et des impacts économiques des dernières épidémies en date, on ne doit sans doute pas s’étonner du fait que des experts en bio-terrorisme aient inclus la maladie de Newcastle parmi les agents biologiques les plus dangereux (CIDRAP 2003) ; le Département américain de l’agriculture a lui aussi porté le virus sur la liste des armes biologiques pouvant potentiellement être utilisées par des terroristes (USDA 2002).
L’UE connaît une véritable invasion d’oiseaux exotiques sauvages, importés en toute légalité : parmi ceux-ci figure un certain nombre d’espèces connues comme étant des porteurs potentiels du virus de la maladie de Newcastle. La politique actuelle de l’UE est donc de nature à favoriser l’introduction volontaire de tels agents pathogènes.
Comme cela est le cas avec la plupart des maladies aviaires, la grippe aviaire et la maladie de Newcastle continueront à menacer l’Europe par le biais de sources diverses, notamment les oiseaux migrateurs mais aussi l’importation légale ou illégale d’oiseaux domestiques et sauvages. L’importation d’oiseaux prélevés dans la nature représente un risque considérable, mais bien connu et bien documenté. C’est également un risque qu’il est possible d’éliminer sans beaucoup de problèmes. La décision d’interdire provisoirement les importations d’oiseaux de compagnie en provenance d’Asie prise au début de cette année constitue un précédent : elle a clairement prouvé à l’UE non seulement qu’il est possible d’effectuer une telle démarche, mais que celle-ci est une mesure prudente et efficace en vue de réduire les risques de propagation des maladies concernées.
Les frontières internationales limitent considérablement les efforts menés en vue de prévenir la propagation des maladies infectieuses. Avec l’élargissement rapide de l’UE en mai 2004, toutes les tentatives en vue d’appliquer la CITES et les règlements européens en matière de commerce et de contrôler efficacement les centaines de milliers d’oiseaux importés chaque année sont devenues bien plus difficiles, pour ne pas dire impossibles. Dans une étude récente sur l’impact de l’élargissement de l’UE en matière de commerce des espèces sauvages, le bureau TRAFFIC-Europe a mis en évidence de nombreux problèmes dans les nouveaux Etats membres, comme “… le manque d’agents, de ressources et de moyens financiers, la nécessite de former les agents chargés de l’application de la CITES ou encore le manque de communication et de coordination efficaces ». L'élargissement de l'UE devrait être perçu comme une bonne occasion de réévaluer les politiques d'importation hasardeuses et de mettre fin au commerce des oiseaux sauvages, qui représente un risque bien réel pour l'économie de l'Europe.
Avec l’entrée –légale ou illégale- de centaines de milliers d’oiseaux sauvages chaque année en Europe, la propagation de maladies infectieuses dans les élevages de poulets européens paraît inévitable. Les événements récents ont prouvé qu’il s’agit uniquement de savoir où et quand l’épidémie suivante se déclenchera, et combien de millions d’Euros seront nécessaires pour l’enrayer.
Le commerce des oiseaux sauvages est cruel : Pour les perroquets sauvages, le vol est bien plus qu’un simple moyen de se déplacer : leur physiologie, leur anatomie et leur mode de vie sont intimement liés à cette composante essentielle de leur qualité de vie. Ils s’accouplent et se rassemblent en bandes avec d’autres congénères, se nourrissent, se reproduisent et prospèrent dans leur habitat naturel. Le commerce à destination de l’UE nécessite d’arracher les oiseaux à leur état naturel d’une façon douloureuse, injurieuse et souvent fatale. Dès qu’ils se trouvent entre les mains de l’homme, les oiseaux sont contraints de se nourrir avec des aliments inhabituels –et souvent malsains- pour eux : beaucoup y succombent rapidement. Dans les entrepôts des pays en développement, les oiseaux sont entassés en surnombre et très souvent mélangés à des individus d’autres espèces : ils sont exposés à diverses maladies et privés de leur environnement familier.
A l’arrivée, les individus qui ont survécu au voyage vers l’UE sont hébergés dans de nouvelles conditions artificielles et dangereuses, dans la plupart des cas privés de toute possibilité de voler et nourris d’aliments artificiels peu appropriés. Des lots entiers sont parfois détruits lorsque les autorités sanitaires suspectent la présence d’agents pathogènes dont un seul des oiseaux pourrait être porteur. Les individus qui ont survécu à la quarantaine et au nouveau transport vers leur lieu de vente ne peuvent s’attendre qu’à une existence très différente de celle qui était la leur dans la nature. La majorité est vendue comme animaux de compagnie, condamnés à passer le reste de leur existence dans des cages beaucoup trop exiguës pour leur permettre de voler. Les oiseaux importés à l’âge adulte ne peuvent jamais être vraiment domestiqués : ils sont souvent victimes de psychoses induites par la captivité, qui réduisent considérablement leur qualité de vie et les rendent indésirables par leurs propriétaires. Ces oiseaux passent alors d’un propriétaire à l’autre ou sont abandonnés dans des refuges.
Suite au stress énorme subi par les oiseaux depuis leur capture dans la nature jusqu’à leur arrivée à la destination finale, un grand nombre ne résiste pas au voyage et meurt d’épuisement, de malnutrition ou de maladie. Il est bien connu que la capture d’oiseaux provoque la mort d’un nombre d’individus bien plus élevé que celui parvenant à destination. Des études effectuées en Afrique et en Amérique ont montré que 40 à 70 % des oiseaux capturés succombent avant même de quitter leur pays d’origine. Beaucoup d’autres meurent pendant le voyage international, la quarantaine et la distribution. Le nombre d’oiseaux qui arrivent bel et bien chez les consommateurs ne représente donc qu’une fraction infime du nombre total d’individus qui périssent à cause de ce commerce destructeur.
Les découvertes scientifiques récentes ont prouvé que les psittacidés et d’autres oiseaux ont un comportement social qui s’apparente très fort à celui des primates ou des dauphins. Exposer ces êtres vivants à de tels traitements ne peut d’aucune façon être qualifié d’« humain ». En dépit d’arguments tendancieux ou fallacieux qui voudraient affirmer que le commerce des oiseaux sauvages “est favorable à l’économie des pays en développement”, qu’il est “bien contrôlé et durable à long terme » ou encore que « son impact sur la conservation des espèces est minime », l’UE devrait sans tarder mettre fin à ce commerce massif, destructeur et cruel.
Pourquoi l’Union européenne ?
Les Européens sont souvent surpris d’apprendre que des pratiques aussi risquées, cruelles et nuisibles pour l’environnement sont encore tolérées par l’UE. La résolution claire et catégorique adoptée par le Parlement européen au début des années 1990 en vue de mettre fin au commerce a peut-être induit les citoyens en erreur, leur faisant croire que les gouvernements s’étaient déjà engagés sur la bonne voie et que le commerce des oiseaux sauvages avait pris fin. La majorité des espèces concernées se reproduit bien en captivité : des spécimens appartenant à des centaines d’espèces différentes sont disponibles pour les amateurs, les collectionneurs, les commerçants et les éleveurs dans toute l’UE. En fait, les éleveurs européens produisent déjà plus d’oiseaux que nécessaire pour satisfaire la demande intérieure, ce qui explique pourquoi des oiseaux en surplus sont parfois confiés à des refuges : la poursuite de l’importation d’oiseaux sauvages dans de telles circonstances défie toute logique !
Pourquoi l’UE s’obstine-t-elle donc à importer des centaines de milliers d’oiseaux prélevés dans la nature ? La réponse est sans doute à rechercher du côté des quelques commerçants spécialisés pour qui importer des oiseaux est bien plus rentable qu’en acheter dans des élevages. Que représente le profit personnel de quelques-uns face aux risques énormes pour la santé de tous, à l’impact désastreux du commerce sur les espèces sauvages ou encore à l’aspect cruel et destructeur de ce commerce ?
Economiquement, l’importation de psittacidés sauvages ne se justifie plus en Europe. La production intérieure par les éleveurs et la vente de ces oiseaux fournissent des revenus à des éleveurs, à des vétérinaires et d’autres professions spécialisées. Au contraire, la poursuite de l’importation d’oiseaux capturés dans la nature affecte négativement ces professions spécialisées et cause la fuite de millions d’Euros hors d’Europe. C’est pour les mêmes raisons qu’un grand nombre d’éleveurs et de commerçants américains qui n’avaient pas vu d’un bon oeil l’arrêt des importations d’oiseaux sauvages en 1992, considèrent aujourd’hui cette décision des autorités comme une mesure très bénéfique pour leurs activités. De toute façon, les coûts entraînés par l’éradication d’une épidémie provoquée par des agents pathogènes importés par l’intermédiaire d’oiseaux sauvages rendent insignifiants les revenus économiques de toutes les importations rassemblées…
Ces raisons ont déjà convaincu un nombre important de pays, qui ont mis fin à leurs importations d’oiseaux prélevés dans la nature : ce faisant, ces pays ont bénéficié d’avantages très importants en matière de santé humaine et animale, de conservation des espèces sauvages et même en termes purement économiques. Parmi ces nations progressistes, on peut citer l’Australie, le Canada, les Etats-Unis, Israël et la Suède. En même temps, de plus en plus de pays exportateurs d’oiseaux situés aux quatre coins de la planète ont pris conscience des menaces que faisait peser le commerce des oiseaux sur leur héritage national et leurs ressources naturelles. Ces pays ont mis fin à leurs exportations d’oiseaux prélevés dans la nature, ou en ont considérablement réduit le volume.
L’Union européenne est devenue le plus important marché au niveau mondial en ce qui concerne les oiseaux capturés dans la nature. De telles pratiques hasardeuses pour l’économie, rétrogrades en matière de conservation de la nature et particulièrement cruelles n’ont plus leur place dans une Europe qui se veut moderne. L’UE doit prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin dans les plus brefs délais à l’importation d’oiseaux sauvages capturés en milieu naturel…
1. Il faut faire une distinction entre les transactions commerciales et non commerciales incriminant des oiseaux sauvages. Une interdiction des importations à caractère commercial n’empêcherait pas l’importation d’oiseaux à des fins non commerciales clairement définies et limitées aux domaines suivants : - recherche scientifique, - éducation du public, - contribution à des programmes de conservation. De même, on pourrait concevoir des exemptions dans le cas d’importations d’oiseaux de compagnie déjà détenus avant l’entrée en vigueur de l’interdiction, pour autant que les importations seraient limitées de manière très stricte, que les importateurs pourraient fournir tous les détails concernant l’oiseau depuis sa naissance et que les oiseaux seraient soumis à une quarantaine approfondie aux frais de l’importateur. 2. Lors de la Conférence des parties de la CITES à Santiago en novembre 2002, toutes les propositions visant à inclure des espèces de psittacidés à l’Annexe I de la convention furent acceptées. Il s’agissait d’espèces fort recherchées pour le marché des oiseaux de compagnie et dont le statut dans la nature suscitait des inquiétudes. En octobre 2004, deux autres espèces fortement commercialisées ont été inscrites à l’Annexe I suite au déclin de leurs populations dans la nature, déclin causé principalement par le commerce international légal. 3. Entre 1980 et 1991, les Etats-Unis ont importé plus de 7,4 millions d’oiseaux, en majorité pour le commerce des oiseaux de compagnie. En supposant que la demande n’a pas changé depuis 1992 et en tenant compte de facteurs de correction tels que le nombre d’oiseaux élevés en captivité ou celui d’oiseaux morts en cours d’importation, on peut estimer que près de 6.870.000 oiseaux auraient été importés aux Etats-Unis si ceux-ci n’avaient pas mis fin aux importations. En ajoutant une estimation prudente du nombre d’oiseaux morts avant l’arrivée dans le pays, on peut estimer que le nombre d’oiseaux sauvés par l’interdiction des importations aux Etats-Unis entre 1992 et 2004 s’élève à quelque 8.500.000 ! 4. Le Wild Bird Conservation Act (Loi sur la conservation des oiseaux sauvages) de 1992 a mis fin aux importations par les Etats-Unis d’oiseaux prélevés dans la nature. 5. Les données les plus récentes en matière de mortalité après la capture de perroquets gris du Gabon font état de 60 à 66 % pour le Nigeria (McGowan 2001), 50% pour la Guinée-Bissau (Clemmons 2003) et 40 à 50 %pour la République démocratique du Congo (Fotso 1998). Des chiffres similaires ont été cités dans le cas de plusieurs espèces de perroquets originaires du Mexique, avec quelque 49% des oiseaux capturés mourant avant même leur exportation du pays d’origine (Iñigo and Ramos 1991). 6. Parmi les nombreux pays qui ont mis fin aux exportations d’oiseaux prélevés dans la nature, on peut citer l’Australie, la Bolivie, le Brésil, la Colombie, le Costa Rica, le Salvador, l’Ethiopie, le Guatemala, le Honduras, l’India, l’Indonésie, le Kenya, l’île Maurice, le Panama, le Soudan et l’Ouganda. Références : Argentine Wildlife Office. 2000. Information on Amazona aestiva [Blue-fronted Amazon parrot] as it relates to the Rules for Sustainable Use under the WBCA (Wild Bird Conservation Act). 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